Grain de chapelet, Memento Mori

Grain de chapelet, memento mori, en ivoire sculpté en ronde-bosse. Grain à double face: d'un côté, tête portant un bandeau avec visage aux traits émaciés, les paupières baissées et la bouche entrouverte montrant la dentition, de l'autre, tête de mort habitée par deux vers et portant sur le crâne deux lézards et un crapaud, mâchoire ouverte laissant voir un batracien dans la bouche. Inscription courant sur le front du crâne et le bandeau ANSI SERONS NOVS WI OV DEMAIN (Ainsi nous serons, aujourd'hui ou demain); percé de part en part. Monogramme apocryphe d'Albrecht Dürer sous le cou.

Paris, attribué à Chicart Bailly, vers 1500/1530

H_4,2 cm L_2,6 cm P_3,7 cm

(petits manques dont une tête de lézard)

C'est assez récemment que l'on a rapproché certains grains de chapelet à deux ou trois faces d'un sculpteur d'ivoire et marchand parisien, Chicart Bailly, qui a travaillé au tournant du XVe au XVIe siècle.
Dans la production de ces objets de dévotion de petite taille, objets dits de vanité, on peut en effet regrouper un certain nombre d'entre eux présentant des caractères communs: leur datation que l'on peut situer au début de la Renaissance, la figuration assez macabre des têtes de mort agrémentées de vers, crapauds et lézards, la similitude des traits des visages ainsi que la présence d'inscriptions en langue française vernaculaire; la partie inférieure des oeuvres les plus élaborées s'enrichie de corolles aux feuilles recourbées. C'est le cas des grains terminaux de rosaire visibles au Metropolitan Museum de New York de la collection Pierpont Morgan (17.190.305), au Museum Fine Arts de Boston (57.589), ou au Detroit Institute of Arts (1990.315, fig. a, a 1, a 2) ou encore dans la collection Thomson à l'Art
Gallery d'Ontario (Ago, Gallery 108, fig.b, b 1, b 2, b 3).
Le rattachement de ces oeuvres réalisées en France à la Renaissance avec la production de l'atelier de Chicart Bailly a pu se faire grâce à la découverte d'un inventaire après décès de “l'homme honorable
Chicart Bailly, bourgeois de Paris et marchand tabletier” conservé aux Archives nationales (Minutes de Guillaume Payen, 1533). Cet inventaire éclaire en effet l'activité de ce sculpteur, mentionné maître en 1485 et décédé en 1533, spécialisé dans le travail de l'ivoire, de l'os et des bois précieux.
Nombre d'objets ont été inventoriés après sa mort, peignes, boucles entre autres mais surtout un nombre impressionnant de chapelets et perles d'ivoire de “patrenostres”. L'activité de Chicart Bailly et de ses apprentis ne se limitait pas à la fabrication d'objets de petite taille profanes ou religieux mais s'étendait au commerce du travail d'autrui, aussi bien parisien que provenant de l'étranger.
Bien que ne comportant pas de corolle à l'exemple des grains les plus élaborés, cette tête janiforme proposée ici ressort bien de la production de l'atelier de Bailly. Elle est très proche en effet de la perle de chapelet de la collection Thomson avec la même inscription en français. On a gravé sous le cou au XIXe siècle le monogramme de Dürer comme il arrive souvent de l'observer sur des dessins ou des buis sculptés en hommage au célèbre artiste de Nuremberg.

Ouvrages consultés:
- J. Lowden et J. Cherry, Medieval Ivories and Works of Art, The Thomson Collection, Art Gallery of Ontario, 2008, cat.45
- Exposition Brunswick 2017, The Iv ory Mirror: The Art of Mortality in Renaissance Europe, Bowdoin College Museum of
Art, S. Perkinson, cat. Pl. 34, 35 et 36.

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